La Wallonie a-t-elle atteint le plein emploi ?

Écrit par Jean-Christophe DEHALU

25.09.2024

Une récente étude parue dans la revue Regards économiques a conclu que la Wallonie était proche du plein emploi. Mais que cela signifie-t-il vraiment ?

Qu’entend-on par « plein emploi » ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, une situation de plein emploi ne signifie pas que la totalité des personnes souhaitant travailler ont un emploi et que le taux de chômage équivaut à zéro. Le plein emploi est en réalité une situation où le temps consacré à la recherche d’emploi et au recrutement est minimisé, tandis que le temps consacré à l’activité productive est maximisé. Il s’agit d’un indicateur conjoncturel, et ne tient donc par exemple pas compte des politiques structurelles du marché du travail.

Qu’en est-il dans chez nous ?

A ce jour, il existe des disparités importantes entre les marchés du travail des différentes région du pays. En Wallonie, le taux de chômage est de 8%, contre 3% en Flandre et 11% à Bruxelles.

L’objectif de l’étude parue dans la revue Regards économiques[1] est de comparer ces taux de chômage observés avec les taux de chômage théoriques associés au plein emploi[2]. Sans rentrer dans les détails techniques, les résultats sont les suivants :

Le taux de chômage associé au plein emploi est de 4% en Flandre, varie entre 6% et 8% en Wallonie et entre 9% et 10% à Bruxelles. Avec le taux de chômage actuel, la Wallonie est donc aujourd’hui proche du plein emploi.

Interprétation des résultats

Ces chiffres sont à interpréter avec prudence, et méritent quelques précisions :

  • Le concept de plein emploi étudié ici ne prend pas en compte les enjeux liés à la participation au marché du travail, puisqu’il est défini pour une population active donnée.
  • La mesure de plein emploi utilisée dans l’étude est un indicateur conjoncturel, et passe donc sous silence le rôle des politiques structurelles (éducation, formation, efficacité des services régionaux en charge du placement et de la formation des chômeurs, etc.).
  • Le taux de chômage associé au plein emploi calculé par les auteurs est plus élevé en Wallonie qu’en Flandre, signe d’un marché du travail structurellement plus efficace chez nos voisins.

En résumé, les résultats de l’étude s’interprètent comme suit : la Flandre a un marché du travail structurellement plus efficace que la Wallonie, mais la Wallonie est conjoncturellement plus proche du plein emploi que la Flandre (qui est en pénurie de main d’œuvre).

Conclusions et recommandations

Cette étude permet, grâce à un cadre théorique simple, de mettre en avant plusieurs constats, notamment que le marché du travail est structurellement plus efficace en Flandre. AKT for Wallonia est force de propositions pour pallier ce retard :

  • L’éducation et la formation ont un rôle clé à jouer : beaucoup de demandeurs d’emploi n’ont pas la formation ni les compétences nécessaires pour répondre aux métiers en pénurie. Des formations orientées permettraient de mieux appareiller les offres d’emploi avec les demandeurs d’emploi. Ceci passe notamment par un travail de concert avec le Forem pour que chaque demandeur d’emploi puisse disposer d’un accompagnement individualisé sur mesure. Les incitants destinés aux formations dans les métiers en pénurie devraient être préservés pour encourager les demandeurs d’emploi à se diriger vers ces métiers.
  • Il faut également encourager le développement de l’alternance et de toute forme d’apprentissage en milieu de travail tant au niveau de la formation des jeunes, des adultes, que de l’enseignement supérieur. Cela permettra d’augmenter le niveau de qualification de la population d’une part, et d’instaurer une culture de l’apprentissage tout au long de la vie d’autre part.
  • Favoriser la mobilité interrégionale, pour permettre à la demande d’une région de rencontrer l’offre de l’autre : le nord du pays connait une pénurie de main-d’œuvre alors que le nombre de demandeurs d’emploi en Wallonie est élevé. Favoriser la mobilité entre le secteur privé et public peut également avoir un impact positif.

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[1] Institut de recherches économiques et sociales (IRES), UCLouvain
[2] Voir l’étude complète pour plus d’informations sur les méthodes d’estimations économétriques