La Wallonie prépare actuellement le 4e cycle des Plans de Gestion de l’Eau par district hydrographique (PGDH 4) pour la période 2028-2033. C’est l’occasion pour AKT de se questionner sur les objectifs européens fixés dans la Directive-Cadre sur l’Eau (DCE) : incluent-ils suffisamment les impacts socio-économiques, notamment pour les acteurs industriels ?

À ce jour, la Wallonie n’a pas encore atteint les objectifs européens en matière de qualité de l’eau.

En effet, seules 41% des masses d’eau de surface (regroupant les rivières, les lacs, les canaux et les eaux côtières) et 59% des masses d’eau souterraines (les nappes phréatiques et les réservoirs d’eau souterrains) ont atteint leur objectif tel que le prévoit la DCE.

Une réglementation (trop ?) ambitieuse

L’Union européenne a été très ambitieuse en matière de législation concernant la qualité des eaux à atteindre. Dès 2015, 100 % des masses d’eau devaient atteindre un bon état chimique et écologique.

Dix ans plus tard, force est de constater que la Directive est un échec majeur au regard de ces objectifs : la majorité des Etats membres peinent à les atteindre et se retrouvent en infraction. Les demandes de dérogations sont nombreuses et engendrent des coûts importants.

Constats

Une analyse plus profonde des causes de l’échec de la DCE révèle des conclusions interpellantes :

  • Les efforts demandés correspondent à chaque fois à des coûts (d’évitement, de compensation, de substitution) qu’il faut supporter. Le manque de réalisme économique sur l’ampleur et le coût des interventions nécessaires est probablement une des causes de cet échec. Cette réalité implique que ni les acteurs et usagers, ni les Etats ne peuvent, en l’état, supporter les coûts nécessaires à l’atteinte des objectifs fixés par la DCE. En outre, le prix de l’eau (de qualité) risque ainsi de continuer à augmenter et ce à charge de tous les acteurs. En conclusion, a faisabilité économique et l’acceptabilité sociale de la DCE peuvent dès lors être remises en question.
  • Une analyse coûts-bénéfices insuffisante : des économistes ont démontré que l’analyse coût-bénéfice de la DCE est mauvaise dans la majorité des cas. La politique de l’eau pourrait dès lors être réexaminée dans ce sens avec une évaluation au préalable de l’impact socio-économique.
  • Le manque de connaissance et d’utilisation des instruments économiques dans la gouvernance de l’eau a également déjà fait l’objet de débats au niveau européen.
  • A noter que la question du cadre de référence environnemental mérite également d’être posée : est-ce que les objectifs partent d’une réalité écologique et environnementale qu’il ne sera plus possible d’atteindre ? Comment la DCE a-t-elle tenu compte de la dynamique évolutive de l’état des masses d’eau ?

Repenser la gestion de l’eau ?

Au vu de ces observations, il est donc difficile d’imaginer que des mesures supplémentaires ou plus strictes permettront d’atteindre les objectifs. Il s’agira plutôt de s’interroger sur la pertinence de la DCE dans sa version actuelle et sur son efficacité comme outil de gouvernance.

La Wallonie ainsi que d’autres Etats membres se trouvent donc face au défi d’une non-conformité réglementaire permanente tout en étant dans l’impossibilité socio-économique, voire écologique, d’y remédier.

Quelle implication pour les entreprises ?

En Wallonie, les rejets industriels notamment font déjà l’objet de restrictions strictes via des permis d’environnement, qui fixent des limites de rejets parfois déjà bien plus basses que les standards européens. Or, ces normes évoluent de manière peu prévisible. Chez AKT, nous insistons sur ce point majeur.

De plus, la récente directive sur les eaux résiduelles urbaines (DERU) impose déjà à certains secteurs, comme la pharmaceutique et la cosmétique, de financer les traitements des eaux usées collectées. Il est essentiel de ne pas pénaliser deux fois ces secteurs dans l’application des mesures.

Il faut également veiller à établir des dialogues sereins et constructifs entre l’administration et les entreprises afin de déterminer les mesures à mettre en œuvre et leurs impacts socio-économiques sur les secteurs. Nous devons travailler ensemble pour garantir une mise en œuvre progressive et prévisible des mesures.

Cette progressivité et cette prévisibilité permettront aux entreprises d’adopter des solutions  ambitieuses, soutenables et impactantes.

L’équilibre entre la limitation des rejets et la viabilité économique doit impérativement faire partie d’une évaluation des politiques publiques.

AKT plaide pour que la poursuite des travaux dans le cadre de la mise en œuvre de la DCE et de la DERU tienne compte de ces enjeux. Cette réflexion permettra d’évaluer la pertinence des objectifs et des moyens mis en œuvre pour leur atteinte.

Plans de gestion de l’eau, qu’est-ce que c’est ?

La directive cadre européenne pour l’eau (DCE)  impose à tous les pays et régions d’Europe de protéger et préserver leur eau. L’objectif est d’atteindre et préserver un bon état écologique et chimique de toutes les eaux. Des plans de gestion de district hydrographique sont élaborés.

En Wallonie, la gestion de l’eau se fait à l’échelle de 4 grands districts hydrographiques internationaux. Ces districts englobent les eaux de surface et souterraines mais aussi les territoires drainés, les estuaires et les eaux côtières.

La Wallonie a élaboré des Plans de gestion par district hydrographique intégrant des actions, moyens et acteurs de tous les secteurs concernés par la thématique de l’eau comme l’industrie, l’agriculture, l’assainissement, la conservation de la nature, …

Trois cycles de gestions se sont déroulés depuis 2009, dont le 3e plan en cours (2022-2027)

Source : « Donnons vie à l’eau ! »