Durabilité | Paquet «Omnibus I», pari gagnant pour les entreprises wallonnes ?
Écrit par Daphné SIOR
23.04.2025
Les entreprises wallonnes font face à une réglementation de plus en plus dense en matière de durabilité. Pour répondre à cette complexité, la Commission européenne a présenté le paquet «Omnibus I». L’objectif : réduire la charge administrative et laisser aux entreprises le temps nécessaire pour s’adapter, sans pour autant abandonner les ambitions environnementales.
Deux directives concernées
Les mesures visent principalement deux textes :
- La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), qui encadre le reporting ESG.
- La CSDDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive), qui impose un devoir de vigilance dans la chaîne de valeur.
Un pas dans la bonne direction
La volonté européenne de réduction de la charge administrative pour les entreprises amène à une meilleure conciliation entre leurs objectifs de transition et leur compétitivité C’est d’ailleurs uniquement via une activité économique solide que cette transition sera possible. Ces mesures devraient donc favoriser l’entrepreneuriat et offrir une plus grande flexibilité, tout en maintenant une cohérence forte avec les engagements européens en matière de durabilité.
La Commission propose un changement de trajectoire, pas de destination
Avec ces propositions de simplification, on constate que la Commission européenne ne remet pas en cause ses ambitions en matière de durabilité, mais qu’elle ajuste la trajectoire. Via ce nouveau chemin et cette nouvelle façon de faire, les entreprises devraient pouvoir concentrer leurs efforts sur des actions qui font sens plutôt que sur des obstacles administratifs. La simplification du reporting est donc bienvenue dans les avancées qu’elle offre au niveau de la diminution de la charge administrative, sans pour autant réduire les stratégies et ambitions des entreprises. La réduction du nombre de points de données obligatoires doit être réalisée dans un esprit pragmatique et se focaliser sur les informations les plus pertinentes. Les critères ESRS (environnementaux, sociaux et de gouvernance) restent utiles pour les entreprises et pourraient être complétés pour tenir compte de réalités sectorielles spécifiques.
La sécurité juridique comme priorité immédiate
Des modifications ont été présentées à deux niveaux :
- La proposition «stop the clock» (approuvé par le Parlement européen le 3 avril dernier) promet un délai supplémentaire de deux ans pour que les entreprises concernées publient leurs résultats.
- La proposition «content» doit encore être négociée. Elle touche quant à elle à 4 domaines : le champ d’application de la CSRD, les exigences relatives à la chaîne de valeur, les exigences d’assurance et les mises à jour des normes ESRS.
Les modifications encore non adoptées créent un flou juridique particulièrement inconfortable pour les entreprises qui sont actuellement soumises à la directive CSRD qui a bien été transposée en droit belge.
Une cohérence attendue entre les mesures
Afin de garantir une cohérence dans les mesures proposées, les obligations de reporting et de vigilance raisonnable devront être alignées pour éviter les doublons. Les objectifs de la CSRD et de la CSDDD sont complémentaires, mais leur articulation doit être optimisée afin d’éviter une surcharge administrative inutile supplémentaire.
Des garanties pour les entreprises déjà engagées…
Les exigences durabilité font partie intégrante de la stratégie d’une entreprise au même titre que la planification financière. Les acteurs de terrain ont donc besoin d’un cap clair rapidement, d’une vision stable et prévisible à long terme, surtout pour les entreprises ayant déjà investi du temps et des ressources dans leur mise en conformité CSRD. Les autorités européennes doivent accélérer le processus législatif pour que les modifications de contenu, qui doivent encore être examinées par le Parlement et le Conseil européen, soient adoptées et implémentées rapidement afin de lever le flou juridique actuel.
…et non-soumises à la CSRD
Les entreprises non soumises à la CSRD doivent parfois fournir différentes informations en vertu de leur appartenance à une chaîne de valeur. Elles sont donc tout autant concernées, d’autant plus qu’elles n’ont pas forcément les mêmes ressources à consacrer à ce reporting. Les normes volontaires, qui fixeront le niveau d’informations à fournir dans la chaîne de valeur, et ainsi réduire l’effet de ruissellement, représentent pour elles un enjeu crucial.
Une approche pragmatique à soutenir politiquement
Les autorités belges – fédérale et régionales – doivent aussi adopter une attitude constructive pour faire avancer les choses. Il conviendrait d’ailleurs que la mise en application du texte transposé de la CSRD actuellement en vigueur en Belgique fasse l’objet d’une certaine tolérance. Un délai d’application pourrait être envisagé, dans l’attente des modifications à venir au niveau européen. Une circulaire administrative devrait a minima assurer cette tolérance dans l’immédiat. Cela permettrait de garantir une sécurité juridique à court terme pour les entreprises qui n’entreraient plus dans le champ d’application des modifications proposées au niveau européen.
Pas de précipitation pour l’ajustement belge
Enfin pour les modifications à venir quant au contenu des deux directives CSRD et CSDDD, il faut éviter toute anticipation nationale prématurée. Une fois les modifications adoptées au niveau européen, l’ajustement juridique belge devrait se faire rapidement et aucun gold-plating ne devrait être appliqué.
Aller plus loin : Premier paquet Omnibus