Le crépuscule du multilatéralisme
Écrit par CBC (Publi-rédactionnel)
4.09.2025
Depuis le 7 août, les droits de douane sont devenus une réalité et pour la majorité des pays les grandes lignes des accords sont connues. Essayons de tirer les leçons et les conséquences de ce fameux bouleversement. Une analyse de Bernard Keppenne (CBC).
Pas de véritable guerre commerciale mais …
Le premier constat est en effet que nous avons échappé à une véritable guerre commerciale et que, par rapport aux annonces du 2 avril dernier, les tarifs douaniers sont un peu plus bas.
Mais cela n’empêche pas que, alors que le taux moyen se situait auparavant autour des 2%, il passe dans une fourchette comprise entre 15 et 19%. Tous les pays ne connaissent pas encore les droits de douane qui leur seront appliqués, et ce taux moyen ne concerne pas certains secteurs, comme l’aluminium, le secteur automobile, et d’autres secteurs pourraient encore se voir gratifier de taux plus élevés.
Leçons de cette saga
En agissant de la sorte, Trump a mis fin à un cycle de plus de 60 ans de libre-échange et a donné le coup de grâce à l’Organisation mondiale du commerce, qui était déjà, il faut le reconnaître, moribonde.
Car en appliquant à chaque pays des droits de douane différents, il a purement et simplement réduit à néant l’une des règles fondatrices du commerce mondial, à savoir la clause dite de la nation la plus favorisée.
Cette clause de 1947, signée par les Etats-Unis dans le cadre de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce – le GATT -, définissait le principe selon lequel les pays ne peuvent a priori pas établir de discrimination entre leurs partenaires commerciaux. Un pays ne pouvait déroger à cette règle et pratiquer ainsi des tarifs encore moins élevés avec certains pays que si un accord de libre-échange avait été conclu.
Les tarifs actuels ne sont pas gravés dans le marbre, et même si la majorité des pays sont rassurés, ils ne sont pas pour autant à l’abri d’une nouvelle hausse des tarifs.
Pour Trump, le tarif douanier est en effet devenu une arme visant à punir un pays pour un fait qui n’a strictement rien à voir avec le commerce. C’’est le cas pour le Brésil, par exemple.
Impacts pour l’Europe
Comme le montre le tableau, l’impact sera différent d’un secteur à l’autre suivant le poids que représentent les exportations vers les États-Unis.
Élément important, en particulier pour la Belgique, l’aéronautique revient à la situation d’avant janvier 2025, avec une exemption réciproque de droits de douane pour tous les avions, équipements et pièces détachées aéronautiques européens et américains, à compter du 1er janvier 2026.
Les produits pharmaceutiques et médicaux ont quant à eux échappé au pire, Trump menaçant ces derniers d’appliquer des droits de douane entre 150 et 200%.
Demeure la question des droits de douane américains actuels de 27,5 % sur les voitures et les pièces détachées pour lesquels Washington prendra des mesures de réduction, une fois que Bruxelles aura adopté la législation nécessaire à la mise en œuvre des réductions tarifaires promises sur les produits américains.
Cet allégement des droits de douane américains sur les automobiles et les pièces détachées entrera en vigueur le premier jour du mois au cours duquel l’UE aura introduit la législation en question.
Cependant, il ne faut pas se voiler la face, des droits de douane de 15% sur la majorité des produits européens rendront ces derniers nettement moins compétitifs sur le marché américain, en particulier pour les produits alimentaires et les boissons.
Se diversifier
Pour certaines entreprises, si le marché américain représente une part importante de leurs exportations, ces droits de douane sont évidemment une très mauvaise nouvelle, d’autant plus si leurs marges ne peuvent pas absorber la hausse des prix.
Il faut alors envisager d’essayer d’utiliser les stocks disponibles pour démarcher de nouveaux marchés, les entreprises pourraient alors attirer de nouveaux clients dans d’autres régions du monde.
La négociation de nouveaux accords commerciaux par l’UE est aussi une nouvelle opportunité que les entreprises européennes doivent saisir, en profitant aussi du rejet des produits américains auquel on assiste dans certains pays, comme au Canada.
Il faut aussi que l’UE simplifie les échanges intra-européens et qu’elle lève les réglementations qui entravent ces derniers. Selon une étude du Fonds monétaire international (FMI), les barrières internes au sein de l’UE sont équivalentes à des droits de douane de 45 % pour l’industrie manufacturière et de 110 % pour les services.
Parmi ces obstacles internes, le FMI identifie des éléments tels que la complexité des règles des marchés publics, l’absence d’harmonisation des réglementations, le manque d’intégration du marché unique, des infrastructures frontalières insuffisantes, ainsi que les différences juridiques et linguistiques.
Même si les exportations à destination des Etats-Unis ne représentent que 13 à 15% du commerce mondial, les droits de douane de Trump vont bouleverser durablement celui-ci et vont aussi modifier les grands flux commerciaux.
Ce nouveau paradigme demandera aux entreprises européennes de s’adapter et à l’UE de simplifier et soutenir le commerce intra-européen.