Une politique industrielle « ambitieuse et décomplexée » pour la Wallonie

Écrit par Corinne BODART

24.09.2025

À l’heure où l’industrie européenne traverse une zone de turbulences, le Vice-président et ministre wallon de l’Économie, de l’Industrie, du Numérique, de l’Emploi et de la Formation, Pierre-Yves JEHOLET, détaille sa vision : souveraineté industrielle, transition énergétique, compétitivité, mais aussi solutions concrètes aux freins rencontrés par les entreprises.

« Une politique industrielle ambitieuse et décomplexée », comme c’est indiqué dans la Déclaration de politique générale du Gouvernement wallon, qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Pierre-Yves Jeholet : C’est d’abord remettre l’industrie au cœur de notre stratégie économique. La Wallonie dispose de filières stratégiques reconnues – aéronautique, spatial, pharma, biotech, matériaux, agroalimentaire, défense – qui sont des atouts indéniables pour notre souveraineté industrielle. Ambitieux, parce qu’il s’agit de valoriser notre capacité à produire et à innover. Décomplexé, parce qu’il faut sortir des faux débats idéologiques : assumer de défendre nos usines, simplifier les règles d’investissement, accompagner les entreprises vers l’innovation, la compétitivité et la décarbonation.

Certains opposent transition industrielle et transition climatique. Partagez-vous cette idée ?

Non, c’est un faux débat. La transition n’est pas un projet de décroissance mais une transformation industrielle. Nos usines doivent consommer moins d’énergie, recycler davantage, développer de nouveaux matériaux. Beaucoup d’entreprises wallonnes sont déjà pionnières dans ce domaine. Mais la transition doit rester soutenable et proportionnée. On ne peut pas décourager des projets pour des motifs administratifs excessifs. Le climat se gagnera par l’innovation, pas par un intégrisme réglementaire.

La compétitivité de l’industrie européenne, et donc wallonne, est mise à mal. Notamment par les élans protectionnistes américains. Gardez-vous espoir pour la Wallonie ?

Si le ministre de l’Économie n’avait pas d’espoir, ce serait inquiétant ! Ce qui compte, c’est que les entreprises gardent confiance. Ce sont elles qui créent l’activité, investissent, prennent des risques et génèrent des emplois durables. Je reste optimiste car nous avons des atouts : une économie ouverte, des secteurs de pointe et des accords commerciaux qui soutiennent nos exportations. Le renouveau ne tombera pas du ciel : il faut des choix politiques clairs, des investissements publics-privés et un environnement favorable à l’innovation.

 Le renouveau industriel ne tombera pas du ciel : il faut des choix politiques clairs, des investissements publics-privés et un environnement favorable à l’innovation. 

Les entrepreneurs dénoncent régulièrement des freins concrets. Quelles réponses le Gouvernement wallon va-t-il leur apporter dans les prochaines semaines, les prochains mois ?

Il y a actuellement plusieurs dossiers sur la table du Gouvernement. D’abord celui des terrains : nous accélérons l’assainissement des friches et mobilisons le privé en amont. Ensuite, les permis : nous travaillons à simplifier les procédures et réduire les délais, en concertation transversale au sein du Gouvernement. La question de la main-d’œuvre est également cruciale : la Wallonie connaît le paradoxe d’avoir 146 métiers en pénurie et 270 000 chercheurs d’emploi. Il faut mieux adapter la formation aux besoins des entreprises et accélérer la remise au travail. L’énergie constitue un autre enjeu majeur : garantir un accès abordable à une énergie décarbonée est indispensable à la compétitivité. Enfin, j’insiste aussi sur le climat social : les grèves et blocages répétés peuvent décourager les investisseurs. La concertation sociale doit donc rester un levier positif et constructif pour attirer et maintenir les activités en Wallonie.

La Wallonie mise aussi sur l’innovation et la recherche. Quelles évolutions préparez-vous ?

Notre écosystème est reconnu, mais il doit être plus cohérent, plus visible et plus efficace. Nous travaillons à sa réforme pour renforcer la valorisation de la recherche et soutenir les projets industriels innovants, y compris dans des secteurs stratégiques comme la défense.

Une de vos premières mesures en tant que ministre de l’Industrie a été de lancer le Forum industrie wallon. Nous en sommes à la 4e réunion, quel bilan tirez-vous de cette initiative à ce stade ?

Très positif. Les responsables des filières majeures (construction, agro, aéronautique, spatial, défense, biotech…) participent activement. Ce n’est pas un lieu théorique, mais une table de pilotage où l’on identifie les freins et où chacun s’engage à livrer des résultats. C’est un espace de dialogue pragmatique entre le gouvernement et l’industrie, avec un objectif clair : trouver ensemble des solutions concrètes et capter davantage de financements européens.


Cette interview est extraite du dossier « Industrialiser la Wallonie », à découvrir dans notre dernier numéro de Dynam!sme